16 mai 2020

Sébastien Martinez, une mémoire infaillible

Par Autodidacte

Avec cet ouvrage, on rentre au plus près dans les considérations pratiques qui nous intéressent au plus haut point : augmenter les capacités de son cerveau en termes de mémoire, améliorer donc automatiquement ses capacités d’apprentissage. Qui ne souhaite pas muscler sa mémoire ?

Une simple évocation des milliers de conséquences de cette propriété de notre cortex suffirait à nous convaincre si ce n’était pas le cas. La mémoire à long terme tout d’abord, c’est le siège de notre moi, le sanctuaire de tous nos souvenirs et donc la longue liste de choix et d’événements qui a abouti à bâtir notre personnalité. Dans ce que l’on garde, dans ce que l’on évince du passé, réside l’essentiel du processus qui mène à la construction de notre identité (du latin idem, ce qui se maintient face au changement, qui reste identique).

C’est encore la mémoire qui préside à de nombreux gestes du quotidien. Dans sa forme procédurale, elle nous permet d’accomplir plusieurs taches motrices, par habitude, par incorporation gestuelle telle que la conduite, nager ou faire du vélo. Sans elle, on consommerait bien trop de notre capacité d’attention consciente pour mener à bien toutes les taches qui reviennent dans une journée.

Du côté de la mémoire de court terme, dénommée de travail, elle nous permet de résoudre de nombreux défis essentiels à l’indépendance et à la survie, se rappeler une liste courte, un processus simple, une adresse ou un visage pour une réutilisation quasi immédiate.

Enfin et c’est surtout cette partie qui va nous intéresser dans le volet explicite ou consciente de la mémoire à long terme se trouve sa partie sémantique, l’accumulation de connaissances générales pour rendre compréhensible le monde

C’est cette partie-là que l’on va cibler et travailler avec cet ouvrage. Sébastien Martinez, ancien champion de France de mémoire (oui il existe des tournois sur ce thème depuis des décennies) nous livre les principales techniques et postures qui permettent d’augmenter ses capacités de mémoires sémantiques.

Le sous-titre : briller en société sans son smartphone, demeure important. Sachez qu’autrefois, avant l’ère des livres, de l’imprimerie et plus encore du numérique et des technologies de l’information et de la communication, les arts de mémoire prévalaient dans les sociétés antiques pour conserver une grande quantité d’informations estimée cruciale comme des préceptes religieux, déclamer un discours politique ou se rappeler d’une histoire. 

Le format de l’histoire, et son pendant au pouvoir incommensurable l’imagination, représentent les outils principaux qui permettent de décupler certains pans de sa mémoire sémantique. Pour ancrer des savoirs même les plus austères, longs et difficiles à retenir dans sa mémoire, il faut devenir un créateur débordant d’associations pour tisser des liens entre des savoirs, donner un sens personnel, excitant et même extravagant à du contenu afin qu’il prenne force et sens dans votre système de stockage de l’information.

Pour cela, il faudra puiser dans votre créativité pour créer des indices de récupération. Notre mémoire latente est impressionnante, elle conserve bien plus d’éléments que l’on ne rêverait pouvoir le faire. Un infini hangar est à disposition de tous dans sa mémoire. Ce qui nous empêche souvent d’y accéder, c’est de ne pas avoir bien balisé le cheminement qui nous permet d’y puiser. C’est là que se situe le substantiel apport des athlètes de la mémoire. En ravivant les arts de la mémoire, ils nous permettent d’appréhender à nouveau le fonctionnement de la mémoire humaine et de l’amplifier

À travers la méthode des loci, la méthode des lieux, qui vise à constituer un palais de mémoire, il est possible de le faire. C’est la plus ancienne, elle nous vient de l’antiquité et notamment de son premier utilisateur connu, relaté par Cicéron, qui conte l’histoire du poète Simonide de Céos. Après un banquet somptueux où il déclama un poème, il fut appelé à l’extérieur par deux jeunes gens, c’est alors que le plafond du lieu qui recevait les festivités s’effondra et tua tous les convives. Les corps étaient méconnaissables. Pour aider les familles à les identifier malgré tout, Simonide revisita les lieux en se représentant en image la place de chacun dans chaque pièce. Par ce biais il put resituer les identités de tous. 

Ce qui compte c’est de s’ancrer par les lieux, ou par d’autres indices de récupération des images dans l’esprit afin de pouvoir amplifier sa capacité d’accès à sa mémoire sémantique de long terme. Rien n’est plus puissant que notre imagination pour faire ses ponts. Une autre méthode le Personne Action Objet en témoigne. Elle consiste à coder en quelque sorte toute les séries de nombre jusqu’à 99 afin de faciliter la mémorisation de liste plus longue. Attribuer une personne, un objet et une action à ces chiffres va permettre de multiplier les indices de récupération et de manipuler des listes de nombre plus facilement.

Vous l’aurez compris cet ouvrage vous invite à prendre conscience du mode de fonctionnement de tout le socle de notre vie mentale, notre mémoire. Il s’agit ensuite de puiser dans ces mécanismes pour travailler au quotidien et ainsi renforcer nos capacités.  

Le lien avec des personnes désireuses d’augmenter leur propre savoir, leur goût pour le processus d’apprentissage ou faciliter la réussite de leurs études est ici transparent : c’est un manuel récapitulatif des moyens de mieux, pour plus longtemps et plus facilement retenir. On peut d’ailleurs beaucoup s’amuser chemin faisant. De nombreux athlètes de la mémoire indiquent combien leurs liens peuvent être loufoques et drôles à revoir comme à constituer. Cela devient même un défi, encore un ressort de motivation. 

Un coup de pouce précieux, surtout si l’on considère les premières étapes de toute trajectoire d’apprentissage, il va falloir généralement emmagasiner une grande quantité d’informations nouvelles. C’est d’ailleurs le cas à l’université dans les premiers degrés (au niveau de la licence) où les exercices, les formats d’enseignement et les attentes se concentrent sur l’identification des savoirs principaux, des grands items et des principes de compréhension d’une discipline donnée (voir la Solo taxinomie). Viendra ensuite la seconde partie, l’analyse, la comparaison, la classification et le jugement qui se découvrent notamment au niveau master avec l’exploration des aspects méthodologiques de la production de tout savoir. C’est aussi un aspect où pourront vous aider les « ficelles du métier » dans l’exploitation de votre mémoire. Bonne exploration donc et chérissez votre mémoire, c’est elle qui contient la constellation de souvenirs et de choix qui vous constitue.

À vous de nous dire comment vous envisagez et travaillez votre mémoire ?