29 mai 2020

S’appuyer sur des relais extérieurs pour améliorer ses motivations intrinsèques

Par Autodidacte

Dans l’article précédent, on a détaillé les 3 grands piliers qui permettaient de faire fluctuer son niveau et son type de motivation (extrinsèque vers intrinsèque) dans l’acquisition d’un savoir donné (valeur, compétence, autonomie) en modifiant son approche, son rapport au savoir (Deci et Ryan, 2000).

Tous ces éléments constituaient des axes majeurs dont la racine est principalement à trouver en vous. Ces pistes d’améliorations passent par un travail endogène de développement de ces aspects. 

J’aimerai maintenant évoquer 3 autres éléments dont les effets sont à rechercher en vous tournant vers l’extérieur. Il peut s’agir de changer les moyens et la méthode utilisés pour parcourir un champ de connaissance (changer le médium, le véhicule d’exploration). Je précise également que ces éléments sont plus assis sur ma propre expérience en tant qu’apprenant tout au long de la vie. Ils sont aussi appuyés depuis 2009 par mes diverses fonctions d’enseignement à l’université. Ils restent intéressants à découvrir et à essayer d’appliquer pour voir les effets sur soi, mais ils n’ont cependant pas la même valeur scientifique et théorique que les premiers éléments cités.

Le média employé, c’est le premier vecteur extérieur qu’on va explorer. Il correspond d’ailleurs à des savoirs qui ont mis en exergue l’importance de repérer son style d’apprentissage (3 grandes catégories sur lesquelles on reviendra : visuel, auditif, kinesthésique).

1) Multiplier les médias

Cet axe vous invite à multiplier les médias par lesquels vous vous exposez à du savoir. Si vous avez l’habitude de lire sur un sujet, recherchez désormais quelques documentaires qui vont stimuler les aires visuelles et la mise en image des concepts que vous avez explorés.

Si vous n’avez que peu de temps consacré à la lecture car vos journées sont chargées et marquées par exemple par de nombreuses périodes de déplacement, profitez de ces moments pour écouter des pod-casts ou des livres-audio. L’auditif sera ainsi plus stimulé et vous apportera peut-être — selon votre style d’apprentissage — des gains conséquents. 

Dans cet ordre d’idée on peut citer la pyramide de l’apprentissage attribuée au National Training Lab (NTL) de l’université de Bethel dans le Maine aux USA. Les pourcentages sont très probablement faux et impliquent tant de biais dans la mesure de la performance de rétention (âge du sujet, temps entre l’apprentissage et le test, notions antérieures sur le thème…) qu’ils sont à regarder avec une sérieuse distance critique (Letrud, 2012). De nombreux articles sérieux existent et la réfutent solidement. Cependant sa représentation visuelle reste intéressante. 

J’ai voulu aller vérifier la solidité des données qui ont permis sa production, c’est le fruit d’une longue histoire qu’il n’est pas opportun de retracer ici, des premiers travaux d’Edgar Dale qui a réalisé un cône de l’apprentissage en 1947, jusqu’à la production d’une expérience publiée par Dale (1954) mesurant le taux de rétention d’un savoir après avoir été exposé à différents éléments (lectures, cours magistral, contenu audio-visuel…) en passant par cette adaptation des taux de rétention selon le média employé, le tout est fondé sur des données qui auraient aujourd’hui disparues selon le NTL.

Cependant l’idée que des personnes différentes, dans des contextes différents, peuvent bénéficier d’un meilleur apprentissage lorsque différents supports leur sont proposés reste intéressante. Cette idée survit à cette critique. Surtout, ces recherches soulignent que la différence d’approche et de méthode peut faire augmenter le taux de rétention, l’angle demeure donc intéressant à considérer.

2) Essayer différentes méthodes

C’est justement le deuxième élément que je voulais vous proposer et qui consiste à emprunter une autre méthode pour s’instruire dans une discipline donnée. Ce peut être la pédagogie centrée sur les étudiants, la classe inversée, l’approche communicative pour les langues ou la méthode tournée sur les tâches à accomplir, les controverses constructives pour cerner tous les aspects d’une idée… autant de mode de conduite différents qui vont tous permettre de poursuivre et d’arpenter un champ de connaissance sous différentes modalités. 

Cela incite donc à multiplier les méthodes pour explorer des connaissances. Surtout, il s’agit de tenter de varier les passages seulement passifs et de tendre vers des approches plus actives qui vont favoriser l’appropriation des connaissances (tout l’enjeu de la pédagogie active sur laquelle je reviendrai). 

C’est donc une ressource pour un apprenant que de savoir qu’il peut recourir à différentes méthodes, essayer de les combiner pour étendre sa connaissance dans un domaine. Cela lui procure la possibilité de renouveler sa motivation si une méthode commence à s’émousser ou encore adapter son apprentissage aux forces et faiblesses qu’il a développées. C’est un moyen de combiner les atouts de différentes approches et ne pas rester prisonnier d’une démarche. Cela joue toujours avec le levier du sentiment d’autonomie, ainsi que l’espoir augmenté de gagner en compétence.

Cela nécessite notamment un changement de perspective, depuis la préparation bien amont du contenu d’un cours de la part de l’enseignant. Il faut donc que celui-ci se montre prêt à s’investir différemment et à interagir sur un autre mode avec ses enseignés.

3) Le relai d’une personne ressource, d’un tuteur

Le troisième élément extérieur s’établit précisément dans la recherche d’une personne ressource, d’un modèle, d’un tuteur. Ce dernier va apporter un regard bienveillant qui véhicule une posture particulière. Ici, il ne s’agit pas simplement de diffuser son savoir à un groupe indifférencié, mais de proposer des ressources opportunes et personnalisées, avec une intention particulière, une éthique incorporée qui correspond à l’enseigné et favorise un renforcement de son niveau de confiance en lui ainsi que l’acquisition de compétences.

C’est le vecteur privilégié de l’effet pygmalion. Un puissant impact de la prophétie auto-réalisatrice a depuis longtemps été testé en pédagogie. Les anticipations favorables d’un professeur vont avoir tendance à amplifier le QI des élèves sur lesquels ils les projettent. 

On pourrait aussi associer à cette catégorie, le fait de développer un cercle de discussion, de se réunir dans le but de faire des révisions avec des personnes expertes ou du moins intéressées par le sujet ciblé, ou encore celui de commencer à employer le savoir accumulé pour produire du contenu à vocation artistique. Cela peut également passer par le fait de créer une atmosphère spécifique pour nourrir un environnement d’apprentissage. Voilà déjà 3 thèmes supplémentaires pour le prochain article. 

Et vous, comment voyez-vous les meilleurs moyens pour arriver à favoriser votre apprentissage ? Auriez-vous des exemples d’enseignants, de proches, de collègues… qui vous ont particulièrement inspiré et donc aidé à acquérir un savoir ? 

Références :

Dale E., 1954, Audio-Visual Methods in Teaching, New York, Dryden Press

Deci, E.L., Ryan, R.M., 2000, The “what” and “why” of goal pursuits: human needs and the self-determina- tion of behavior. Psychological Inquiry, 11(4), 227-268.

Letrud K., 2012, A rebuttal of NTL Institute’s learning pyramid, Education 133, 117–124

Rosenthal R., Jacobson L-F., 1968, Teacher Expectaction for the Disadvantaged, Scientific American, 218, 4, 19-23.