3 mai 2020

Comment renforcer ses motivations intrinsèques : Évoluez sur le curseur motivationnel

Par admin1356

Voici une courte présentation qui entame le sujet

3 manières d’augmenter ses motivations intrinsèques

La première étape consiste bien sûr à prendre conscience de ses différentes sources plus ou moins autonomes de motivations, quels en sont les déterminants et les racines. C’est tout l’objet de l’article précédent, que je vous invite à lire — si ce n’est déjà fait — afin d’aborder au mieux cette seconde partie.

Maintenant que ceux-ci sont identifiés, il s’agit de se poser la question maitresse : que faire ?

Par les 3 vecteurs mentionnés précédemment (valeur, compétence, autonomie) on peut tout à fait arriver à faire fluctuer l’intensité, la durée et la coloration de ces motivations.

Une activité engendrée au départ par une source extérieure de contraintes, peut très bien se muer progressivement en une habitude plaisante, autonome et épanouissante.

C’est d’ailleurs l’histoire classique et le processus le plus éculé au cours de notre éducation. Pour mémoire son étymologie, ex ducere, signifie conduire vers l’extérieur. Rien ni personne mieux que Platon et sa célèbre allégorie de la caverne ne peuvent l’illustrer.

Vous trouverez ci-dessous une vidéo de la superbe chaine the school of life pour la détailler :

Il s’agit donc de la proposition par un formateur, un éducateur, un parent… d’une activité pour laquelle à la base vous n’avez aucune affinité particulière. Vos centres d’intérêt, vos capacités d’exploration, et votre motivation démarrent tous à un point très restreint. Il vous invite cependant par ses premières propositions à les développer. Il s’agit d’un amorçage. Certaines activités fleuriront, d’autres s’épuiseront bien vite. 

C’est la plus grande richesse d’une cartographie éducative, disposer de nombreux lieux à visiter (les disciplines), emprunter des modalités de transports variées pour les explorer (les médias sollicités) et développer une boussole pour se diriger (distinction entre motivations intrinsèques/ extrinsèques).

Mais rapidement, parti d’une proposition extérieure, un processus autre peut s’enclencher. Par la force de l’ancrage et de l’habitude, le savoir et la compétence qui vont s’accumuler, les représentations développées, l’autonomie petit à petit glanée, vous allez vous y accrochez.

C’est le départ d’une évolution sur le continuum, extrinsèque/intrinsèque. L’essentiel des activités commence donc par des secteurs non-autonomes et non choisis. D’ailleurs si je devais formuler un reproche majeur à l’école c’est de brouiller et de déséquilibrer cette boussole des motivations intrinsèques en ne laissant pas assez d’autonomie dans la trajectoire, et le mode de déplacement privilégiés. 

L’éducation nationale accomplit une prouesse incommensurable en massifiant l’apprentissage de millions de jeunes enfants. Cependant en réduisant drastiquement les activités à des thèmes sérialisés, des médiums souvent uniques et restreints, elle fait trop pencher la balance du côté du curseur hétéro-normé, c’est-à-dire les savoirs et les médias pour lesquels nous n’avons pas à la base des motivations intrinsèques. Surtout en ce qui concerne l’établissement d’un rapport à la lecture et à l’apprentissage d’une manière relativement contrainte, par une succession normalisée de phases très peu renouvelées de découverte, d’appropriation et de restitution.

Il peut en être autrement. À la manière des liberal arts développés dans les facultés américaines : laisser un panel plus varié de médiums et de thèmes à explorer s’avère beaucoup plus bénéfique. Offrir une fenêtre de temps durant laquelle un ensemble de modules devra être validé, mais en laissant toute liberté dans la manière et l’ordre de les combiner.

C’est ce ressort qu’il est donc possible d’employer. Faites varier votre motivation intrinsèque en vous libérant rapidement des choses qu’il vous est imposé d’apprendre. Dans le milieu professionnel, c’est une catégorie nécessaire, ici et ailleurs, toujours un hameçon qui peut porter des fruits. Mais dans votre sphère personnelle, si aujourd’hui il ne vous apporte plus rien, changez-le. Explorez un autre domaine qui ravive votre goût de l’apprentissage. 

Sur le même thème, puiser dans les médiums dont on vous a malheureusement dégoutés en explorant des sujets qui, cette fois, vous attraient. L’important c’est qu’ils comblent votre soif intérieure de sens et de connaissances

En augmentant la valeur accordée à une discipline tout d’abord, vous pouvez faire progressivement croitre votre intérêt pour un domaine de connaissance. 

Un exemple : les premières fois que j’ai étudié des maths ou de la physique, je n’avais pas vraiment d’engouement pour la matière. Ma démarche restait donc principalement exogène. Lorsque j’ai persisté, j’ai commencé à voir des documentaires qui matérialisaient l’apport de ces disciplines. Elles nous permettent d’engendrer des avancées incroyables, de changer notre perception du monde, notre pouvoir de le comprendre et de l’explorer. Mon regard a changé. Je ne suis toujours pas très doué en math, en revanche ma passion et la valeur que j’accorde aux débouchés de ces sciences pour notre compréhension du monde physique, ont ouvert une véritable brèche qui fait que je suis aujourd’hui un passionné d’astronomie, et j’aimerai grandement et volontairement en apprendre plus sur le sujet. 

Un autre qui se présente souvent, provient de la découverte d’une utilité ou d’une puissance pratique. Ainsi de nombreux anciens auteurs d’actes de délinquance que j’ai suivis et interrogés dans le cadre de ma thèse m’ont confié cette évolution de la valeur d’un savoir ou d’une discipline. Ils m’ont détaillé à quel point une fois passés par le processus pénal, ils ont développé une soif certaine pour les connaissances juridiques.

De simples lettres mortes et austères non appliquées, elles sont devenues pour eux, les règles de leur jeu, des ressources pour connaître leurs droits et se défendre, des espaces et des marges de manœuvre afin de limiter les coûts des entorses à la loi dont ils avaient pu se rendre coupables. 

Cela a grandement changé leurs représentations en la matière et certains ont commencé à lire des ouvrages spécialisés en droit pénal, certains ont même entamé des formations à distance sur le sujet. Le regard sur leur propre avocat avait changé, notamment quand ils commençaient à distinguer la compétence oratoire que ces derniers pouvaient être amenés à développer.

Voilà donc un deuxième vecteur principal qui permet de modifier son approche à un savoir, sa motivation exogène pour la faire petit à petit migrer plus proche de la zone autonome, apte à produire des envies, une volonté endogène de l’explorer. Il s’agit du gain graduel en compétence. Le cursus honorum de positions, de niveaux, de classements que l’on peut parcourir à travers la maitrise d’une discipline donnée. Nos anciens tuteurs latins l’avaient d’ailleurs bien identifiée en instaurant cet étalonnage codifié des postes et des prérogatives incontournables dans l’ascension vers les responsabilités politiques de premier ordre au sein de l’empire romain. 

Accumuler des compétences, de la virtuosité dans un domaine constitue un puissant moteur de motivation. Il ne faut surtout pas s’en priver. C’est le principe addictif de beaucoup de jeux vidéos. Ils écument les positions, les niveaux, les obstacles et les boss pour activer ce principe d’engagement et de persistance dans l’apprentissage de réflexes, des schémas et des réponses à incorporer. La progression nous renvoie aussi à une image flatteuse et optimiste de nous-même: demain nous verra plus habiles qu’hier. 

J’en ai constaté plusieurs fois l’exemple avec des hobbies qui au départ ne me passionnaient pas plus que ça. La découverte d’une table de ping pong chez un ami a un jour invité à quelques parties. Quand j’ai vu que je m’améliorais assez rapidement, que j’avais gagné contre plusieurs adversaires, cela m’a incité à en acheter une pour chez moi et à m’y divertir régulièrement. C’était aussi dans le but de m’entrainer et de continuer à progresser.

Un jeu en ligne simulant des activités de guerre, massivement multijoueur, me laissait principalement indifférent. Lorsque j’ai commencé à y jouer et à me mesurer à des amis, son côté addictif m’a contaminé. J’ai acheté le jeu, pour y devenir meilleur et avoir le plaisir de réaliser des progrès et de mesurer ceux-ci en me confrontant à mes amis, puis à d’autres adversaires sur la plate-forme multijoueur.

Le réservoir de potentiel à développer, se voir et se mettre en capacité de progrès, percevoir et assumer de nombreuses positions qui restent à atteindre au cours d’une marge de progression demeurent donc des ressorts puissants de motivation. Ils peuvent influer sur notre position vers une source plus endogène de motivation et d’acquisition d’un savoir. Tout se passe comme si on prenait conscience de notre liberté plus grande, de notre capacité d’agir et de se manifester qui tend à s’amplifier par la poursuite de l’amélioration de notre habilité.

C’est ainsi qu’on en arrive à notre troisième pilier, la marge de liberté, la possibilité de gagner en autonomie dans l’acquisition d’un savoir donné. Comprendre que l’on peut progressivement s’autonomiser dans nos explorations permet également d’entretenir la motivation. Réserver des marges de manœuvre, des zones de choix à ses étudiants est ainsi crucial en pédagogie. Pour augmenter la proportion intrinsèque d’une démarche vers le savoir, ça l’est également. 


On apprend à gérer ses goûts, sa mesure dans l’effort, se faire plus plaisir pendant un temps, puis revenir à une base moins auto-normée. S’appuyer sur ses nouveaux acquis pour conquérir encore plus ardemment de nouveaux savoirs dans la zone qui reste notre préférée. Cette dimension permet aussi de faire valoir notre désir d’autonomie, d’exprimer notre individualité et les spécificités propres à notre personnalité. Le meilleur cheminement vers notre prochaine activité est celui qui sera le plus individualisé. Un grand ressort de l’évaluation passe par exemple par l’augmentation des retours personnalisés.

Quel sentiment quand j’ai découvert le catalogue immense de formations du Williams College. J’y ai appris une nouvelle langue, le japonais. Un domaine que j’adorais personnellement mais que je n’avais jamais exploré dans un contexte académique. J’ai aussi entamé une formation sur les leaders africains. J’ai exploré une autre matière que j’avais déjà côtoyée et aimée, la psychologie sociale ou encore l’espagnol. J’avais déjà étudié ces deux thèmes, mais jamais dans cette langue nouvelle d’apprentissage — l’anglais — et sous ce paradigme d’apprentissage, plus actif qui était proposé dans cette université (une approche dite de pédagogie active sur laquelle nous reviendrons).

Ces trois axes principaux (valeur, compétence, autonomie) pour faire varier l’intensité et la nature d’une motivation à apprendre peuvent s’articuler avec d’autres vecteurs mineurs, moins fréquemment rencontrés mais qui peuvent dans certains cas décupler un potentiel et ouvrir sur une passion ardente à s’instruire d’un domaine de connaissance donné.

Partant, il nous reviendra donc de traiter de la question de ces pistes, un peu plus obliques, comment peuvent-elles cependant mener à développer une appétence pour un savoir avec une énergie redoublée ? Comment se substituent-elles parfois avec plus de puissance aux axes ci-dessus détaillés ?

Réagissez à cet article et dites-nous ce qui, pour vous, a pu remplir ce rôle d’amorce ou de renforcement de votre énergie tournée vers un apprentissage ?

À vos commentaires