Comment mieux exploiter ses lectures
S’il y a un travail de fond indispensable pour agrandir son savoir dans tout domaine, c’est le laborieux parcours des écrits déjà produits sur le sujet. Une somme de recherches, de sélections et de sagesses est accumulée au travers de cette belle technologie humaine. Elle a rendu la pensée plus fixe, durable et transférable.
Penser qu’un autre esprit nous offre une portion considérable de son temps pour consigner ses remarques, ses acquis, son expérience et ses références dans le but de prolonger la longue chaine du savoir est déjà un moyen de comprendre l’accélérateur pour notre propre cursus que cela peut représenter. Chaque livre forme une des pierres dans le cairn ininterrompu du savoir humain. Voyons désormais comment aller au mieux y piocher.
Tout apprentissage sérieux dans un domaine peut donc emprunter ces réservoirs pour avancer dans sa quête. Seulement, l’accès à ses trésors encastrés dans les ouvrages peut parfois décourager par le manque de rétention après une lecture, par la difficulté à maintenir son attention, par le risque de revenir souvent en arrière, de s’endormir ou encore par le nombre d’heures nécessaires à y consacrer pour achever des lectures.
À force de s’employer à compulser des savoirs couchés sur papier, se dégagent des moyens qui permettent de mieux tirer profit de son temps de lecture, il est donc ici question de partager les grands axes qui permettent de mieux puiser dans des ouvrages. On va donc détailler trois principes qui facilitent l’apprentissage par la lecture. En premier lieu, le fait d’adopter une posture active pour lire (I), ensuite des techniques pour augmenter sa vitesse de lecture (II) et enfin des moyens pour retenir et accéder aux contenus déjà consultés (III).
I) Adopter une posture de lecture active
Dans le même esprit que l’apprentissage par la pédagogie active qui implique d’augmenter son niveau d’engagement et les interactions entre les apprenants et leur source de contenus, la lecture active se caractérise par une mobilisation plus grande du lecteur. Il s’agit déjà d’entamer la lecture stylo à la main, si c’est un format noble que vous ne voulez pas annoter au risque de le déprécier, munissez-vous d’une feuille de papier. Pour l’essentiel je bariole, surligne, encadre les notions qui m’intéressent directement sur le texte que je lis. Il faut se l’approprier, qu’il soit désormais balisé pour faciliter le repérage des informations essentielles, des concepts qui vous ont marqués, des passages qui sont à mémoriser.
Une approche active de la lecture consiste aussi à faire directement les recherches que les informations inconnues de la lecture peuvent recquérir. Ne laissez pas passer top de temps entre la découverte d’un nouveau mot et le fait d’aller puiser dans un dictionnaire — désormais en ligne, accessible en quelques clics — pour le cerner et l’encastrer dans votre mémoire. Si la lecture vous inspire des commentaires, des réflexions écrivez-les directement sur les pages de garde du livre, ou dans un espace laissé libre à la fin du chapitre.
L’idée de cette lecture active, c’est qu’elle vous engage et qu’elle laisse le plus de traces mnésiques possibles, dans votre mémoire mais aussi dans le livre qui deviendra désormais une carte reconnaissable de votre manière personnelle de le parcourir et de l’appréhender. Le but c’est de pouvoir en tirer le meilleur sans perdre du temps pour retrouver ce cheminement.
Cela fait écho avec le deuxième axe de ce recueil de conseils pour augmenter les gains de ses lectures. Il faut disposer de multiples indices de récupération. Dans la veine des savoirs sur la mémoire qui exploite son fonctionnement pour maximiser ses possibilités, il s’agit de transformer cet ouvrage en un recueil des ressources qui vous ont le plus intéressés.
II) Multiplier les indices de récupération
Combien de fois j’ai pu entendre cette lamentation, « je lis mais je ne retiens pas », quelques minutes après la lecture d’une page entière, je ne saurai plus restituer l’essentiel du contenu ; une impression floue des axes principaux, de la dynamique de l’ouvrage peuvent perdurer, mais les informations précises nous échappent. C’est une réalité, notre cerveau pêche par oubli, souvent pour des éléments abstraits, des idées, des faits et des dates éparpillés, difficile à retracer. C’est aussi un mécanisme de survie de pouvoir oublier, demandez aux rares personnes affectées par le syndrome de mémoire perceptive hyper-développée qui enregistrent quasiment toute information, sans le vouloir et surtout sans pouvoir les discriminer, les organiser et donc s’en servir pour les faire fructifier.
Ce qu’il convient de faire, c’est de profiter de notre capacité à oublier pour se défaire des éléments moins intéressants et bénéficier des mécanismes de la mémoire, user des moyens mémo-techniques à portée pour agrandir notre rétention après une lecture. Parmi ceux-ci on peut citer le fait d’avoir travaillé activement durant la lecture, tout le balisage va permettre de repasser plus rapidement sur les quelques pages qui sont de plus grandes valeurs, parce que vous avez écorné la page, surligné le texte, encadré les concepts, formulé des commentaires.
Lors de votre deuxième passage plus besoin de s’échiner à relire tout le texte — à moins qu’une nécessité impérieuse ne l’impose — pour en tirer sa quintessence. Reprenez les pages de garde où vous aurez pris le soin de noter les numéros de page et les citations « verbatim » que vous aimeriez retenir. Vous récapitulez ainsi en une dizaine de page les savoirs les plus précieux à vos yeux de l’ouvrage. Pour les idées plus abstraites, les dates, les faits à enregistrer dans votre mémoire, essayez de créer des histoires qui viennent les lier entre elles, utilisez des images frappantes, des raccourcis visuels pour les retranscrire et permettre ainsi à votre mémoire de les conserver.
Pour la liste des présidents américains je sais que Barack a tout cassé en 2008, il a fermé sa bouche à Georges W., qui lui-même avait succédé sans se faire de souci (de bile) à Bill Clinton, qui était en porte à faux à cause de ses mœurs légères qui auraient froissé son père (Georges Bush Senior) et ainsi de suite. Plus vous aurez l’habitude de pratiquer ce genre d’exercice pour récupérer des éléments sémantiques dans votre mémoire à long terme plus cela deviendra facile et automatique. Vous développerez aussi votre créativité et faciliterez la création de liens avec d’autres savoirs que vous voulez conserver.
Cela vous fera in fine gagner du temps pour enchevêtrer plus rapidement du savoir et les arrimer à des nœuds de connaissances plus solides. Pour rappel, la racine étymologique du mot intelligence, provient de inter legere la capacité à discerner et créer des liens nouveaux. Plus ceux-ci seront nombreux et solides plus vous pourrez mobiliser du savoir et créer des indices de récupération pour les mémoriser rapidement. Ce qui nous amène à notre ultime point : comment lire plus vite, consulter un plus grand nombre de mots à la seconde pour maximiser le gain à retirer d’une lecture.
III) Augmenter sa vitesse de lecture
C’est un thème éculé, beaucoup de tutoriels et de références se disputent la primeur sur le sujet et les meilleures méthodes sur la question. Parmi les plus reconnus, on peut citer, l’ouvrage de Tony Buzan (2012) célèbre instigateur des championnats de mémoire ou encore celui d’un pionnier en la matière François Richaudeau (2004) qui écrit sur le sujet depuis des décénnies. Je ne vais pas retracer toute la généalogie du livre — des rouleaux antiques aux liseuses d’aujourd’hui en passant par la révolution du codex — il y a une mine d’or à explorer pour comprendre à quel point le « medium c’est le message » comme l’a si finement analysé Marshall McLuhan (1964). C’est-à-dire que le contenant nous influence plus que son contenu. Que les supports par lesquelles on accède à des informations nous transforment et nous structurent plus que les savoirs qu’ils véhiculent.
Dans cette logique qui peut améliorer sa vitesse de lecture, accélère sa vitesse de croisière dans l’exploration d’un sujet. Je ne vais mentionner que celles que j’ai éprouvées et qui semblent le mieux fonctionner pour moi. Un nombre considérable existe par ailleurs et vous pourrez facilement les retrouver en deux clics. J’ai adopté l’habitude d’avoir un pointeur pour éviter de perdre la ligne où j’accroche actuellement mon regard. Je ne fais pas de retours en arrière sauf dans des cas exceptionnels où une information cruciale semble m’avoir échappé ou qu’une notion nécessite une seconde lecture pour être comprise. Le reste du temps je me force à augmenter d’environ 10% mon rythme de lecture qui m’est confortable pour faire régulièrement des progrès. Je lis en premier et j’accorde plus d’attention à la lecture des titres, des sous titres et des mots clés fournis dans les encadrés de l’ouvrage. J’essaie d’en recomposer le sens et l’articulation avant même de m’attaquer à la lecture du corps du texte. Je profite de notre capacité de lecture par portion grâce aux bonds oculaires, pour me délester des mots peu essentiels que je peux facilement anticiper (les connecteurs, des qualificatifs évidents, une formule toute faite comme force est de constater, dès que je vois le mot force placer dans ce cadre, je ne vais pas garder de l’attention pour lire le reste, c’est un moule déjà connu sur lequel je peux plus vite passer).
Sur un PDF ou un EPUB — qui est un format qui a de plus en plus ma préférence — je me sers du haut de la page comme d’un couperet pour augmenter mon rythme, je fais défiler le texte toujours avec ces 10% de rapidité de plus que mon confort visuel requiert. Des logiciels existent aussi dans cet esprit et vous affichent uniquement les mots avec le débit souhaité, cela peut être une alternative. J’essaie de plus en plus de sauter des portions de textes qui ne sont pas nécessaires à ma compréhension. Tout l’enjeu réside là dans cet exercice d’augmentation de la vitesse de lecture : quel est le meilleur rapport entre ma vitesse (le nombre de mots par minutes que je peux lire) et la quantité d’informations de qualité que je peux absorber (le niveau de compréhension que je peux maintenir). Le curseur personnel de chacun est à constituer dans une praxis quotidienne et forcenée. Je terminerai d’ailleurs mon propos là-dessus, puiser par la lecture dans la force des efforts accumulées, devenez un expert dans la capacité de lecture, cela vous ouvrira une porte sur tous les autres domaines ciblés. C’est une méta-compétence en quelque sorte, elle permet d’en articuler et d’en améliorer plein d’autres. Je vous recommande ce test gratuit en ligne qui permet de quantifier sa vitesse de lecture actuelle et donc de formuler un objectif pour son amélioration :
https://www.mes-exams.com/lecture-rapide/lecture-rapide-test.htm
Une autre piste, lire des textes très denses, spécialisés, s’attaquer à la littérature primaire comme on la dénomme en sciences sociales, une fois cette étape explorée, les lectures plus légères et moins référencées vous paraitront plus aisées à lire. Maintenez une habitude puissante (voir la règle des 5h ou encore les meilleures habitudes à adopter), lisez chaque matin, une heure ou même une demi-heure ce qui vous plait, vous accumulerez rapidement du temps de lecture. Vous habituerez vos yeux à bouger plus vite et votre esprit à recomposer rapidement de l’information. Ne pas sub-vocaliser est un conseil qui revient aussi souvent.
Voilà les quelques pistes sur le sujet que je voulais propager, il en existe bien d’autres pour améliorer son expérience de lecture. J’ajouterais qu’il ne faut pas oublier d’alterner lecture plaisir et lecture laborieuse, lisez des domaines variés, (lisez dans une autre langue aussi, ça facilitera la lecture dans votre langue maternelle). On verra que des techniques existent aussi pour la mémoire, pas seulement pour retenir ce que l’on lit mais pour tout format et tout type d’information, ça sera l’objet d’un prochain article.
Et vous, quels seraient les ressorts qui ont le mieux fonctionné pour renforcer votre capacité de lecture ?
BUZAN T., 2012, La lecture rapide, Paris, Eyrolles
MCLUHAN M., 1964, Understanding media, the extension of man, New York, McGraw Hill
RICHAUDEAU F., 2004, La méthode de lecture rapide, Paris, Retz